Je découvre au fur et à mesure ce que je dépose sur la toile. Si l’ensemble me paraît trop calme, trop prévenant, trop simple, je le modifie jusqu’à le détruire. Je fabrique un chaos de manière instinctive qui parfois me déstabilise. Cependant je sais que chaque couche, chaque geste, chaque accident, m’entrainera vers la création d’un environnement qui sera nourri de ce chaos et qui atteindra au fur et à mesure l’équilibre que je recherche entre la beauté et ce désordre, la lumière et l’obscurité, le mouvement et le calme. Je maîtrise le hasard vers une construction à la frontière entre le figuratif et l’abstrait. Le trait nerveux ou léger, les effacements, les transparences, créent une illusion dans la perception de l’oeuvre qui sera propre à chacun.

Le mot hasard peut toutefois me déranger car je m’abandonne pour créer, je m’efface pour laisser place à l’instinct. Cet état d’esprit vient d’un long apprentissage de la peinture, du dessin, des techniques mixtes et d’un « travail sur soi » proche de la conception bouddhiste et taoïste qui insuffle que « la véritable existence vient de la vacuité et retourne à la vacuité ». Il m’arrive parfois de lutter, de combattre le chaos de la matière que je travaille. Cette énergie ainsi déployée transparaît dans mon travail jusqu’à émouvoir ou perturber. Malgré ce lâcher prise, je me sens proche des théoriciens du chaos : « la richesse de la beauté du monde résulte d’un subtil mélange de phénomènes chaotiques et d’autres qui ne le sont pas ».